Entretien avec Courtney Kemp, la créatrice de Power, au sujet du succès impressionant et la dernière saison tant attendue de la série.

Power touche à sa fin avec la saison 6. Avec le recul, saviez-vous que la série allait être aussi réussie que ce qu’elle est?

Non, mais 50 Cent le savait. Curtis [Jackson] vous dira qu’il le savait depuis le début et qu’il avait un plan et que ça allait se passer comme ça. Je peux vous dire que ce n’est pas du tout ce que je pensais. Je fais tout un jour à la fois. Donc, pour moi, c’était juste genre, ok fait la prochaine action correctement et la prochaine était en fait d’écrire un bon script. Fais-le très très simple, vous savez, et passe à la chose suivante. Donc, je ne me disais pas “oh cela va être un énorme succès.”

La saison 6 a l’air d’être une course sauvage, en particulier pour Ghost. Cela sera-t-il satisfaisant pour les fans?     

J’ai essayé de faire deux choses. J’ai essayé de satisfaire leurs attentes et de fournir de l’inattendu. Gary Lennon, qui est l’un de nos producteurs exécutifs, dit souvent “surprenant, mais inévitable.” C’est toujours le but. Quelque chose qui est si inévitable va forcément arriver. Je pense que nous avons élevé « surprenant et inévitable » à un tout autre niveau en termes de résolution de l’histoire de Ghost et des gens qui l’entourent. Cela dit, nous faisons un grand saut à la fin de cette série avec les cinq derniers épisodes. Donc, ce sera différent et le public sera mis au défi. J’aime défier le public. J’aime les faire réfléchir, les faire parler et les faire se disputer entre eux. Je vais peut-être devoir changer mon adresse et mon numéro de téléphone après que ce soit diffusé, mais je pense que ça vaut le coup si c’est dans la veine d’une bonne narration.

Vous aimez généralement faire exploser la saison par l’épisode 8, tout comme vous l’avez fait avec la mort de Kanan dans la saison 5. Il y a quinze épisodes dans la saison 6, alors quel est le plan pour la dernière saison?

Nous explosons à l’épisode 8, nous explosons encore plus fort à l’épisode 10 et puis chacun des cinq derniers épisodes a sa propre petite explosion.

Quelle fut la réaction après avoir tué Kanan la saison dernière?

Les gens étaient contrariés que Kanan soit mort, mais ils ont compris que l’une des règles de Power est que les gens méritent toujours leur propre mort. Je mets toujours une personne dans une situation où elle peut choisir entre la gauche ou la droite. Si elle prend la droite, c’est le chemin d’une certaine disparition et si elle prend la gauche, c’est la sortie. Kanan a donc eu plusieurs occasions de s’éloigner de tout cela à la fin de la saison 4. Il est à DC, il n’a pas à revenir or Il revient dans la saison 5. Il est averti par Tommy. Au début de l’épisode 501 Tommy lui dit “reste loin de Tariq. On ira tous bien si tu restes loin de Tariq” . Est-ce qu’il le fait? Non et s’il était resté loin de Tariq, il serait resté en vie. Mais il aimait ce gamin. Et donc en aimant ce gamin, il a fait confiance à ce gamin. On parle toujours d’une faille fatale dans un personnage. C’était sa faiblesse. Il voulait un fils. Il a tué son propre fils et il voulait coopter le fils de Ghost, et c’est ce qui s’est passé. Je pense que le public l’a compris. Il y a des gens qui vont simplement être en colère parce que c’est un changement. 50 Cent a été, et est une bonne part de la série dans son ensemble. Mais il n’est allé nulle part. Je lui ai dit aussi “nous voulons étendre [l’univers de Power] et réaliser sera ta prochaine étape.” Il ne peut pas diriger et être en même temps acteur sur son premier coup en tant que réalisateur. Donc, il était genre “Cool, compris.” 50 s’est donné  à cent cinquante pour cent [à la réalisation]. Il a vraiment travaillé avec les acteurs et a vraiment adoré cette partie du boulot. Il adorait la préparation et il aimait être au milieu de tout ça. Et je pense que c’est quelque chose dans lequel vous devez être à cent pour cent investi. La manière dont nous avons tourné et préparé fait qu’il devait être sorti de l’épisode avant, donc ne pas être dans l’épisode 602 afin qu’il puisse diriger l’épisode 603.

Quelle a été la réaction des fans à la balle d’Angie dans la poitrine?

Les gens qui détestaient Angela étaient du genre “Oui!” Les gens qui ont aimé l’histoire d’amour étaient du genre “Non!” Et puis il y a eu beaucoup de gens qui ont scruté image par image et ont dit que c’était là qu’elle mourrait, mais nous nous étions genre “non, ce n’est pas ce que nous avons montré.”

Dans Power, tout le monde risque d’être tué. Personne n’est en sécurité. Est-ce la raison de la réussite de la série?

Je dois donner à Starz un peu de crédit ici pour m’avoir laissé m’en tirer comme ça. Je pense qu’il y a beaucoup de séries où il [le réseau] dirait ” au moins laisser le public se sentir en sécurité au sujet du numéro un sur la feuille de route. ” Nan. Personne ne devrait se sentir en sécurité, jamais. Je pense que c’est génial. C’est une bonne histoire. Je veux que vous viviez une expérience. Quel est le but de la télévision si ce n’est de s’échapper. C’est juste mon goût personnel, mais je n’aime pas les séries qui vous donnent une échappatoire du genre “oh bien les extraterrestres viennent d’arriver, donc ce n’est pas grave.” J’aime rester dans les limites, mais je veux aussi provoquer les gens. C’est l’idée.

Quel personnage décririez-vous comme la référence morale de la série?

Je peux penser à plusieurs personnes en fait. Greg était une référence morale. Greg disait : “Angela, je ne sais pas pourquoi tu es avec ce type. C’est un trafiquant de drogue. Et Angela répondait “tu es juste jaloux parce que tu es mon ex-petit ami.” Non, en fait, il avait raison de dire ça. Raina est certainement une référence morale. Elle portait du blanc à sa mort. Je peux dire que nous avons fait des choses très spécifiques là avec l’iconographie de la façon dont elle a été tuée. Il y a eu plusieurs références morales. En fait, Estelle, parfois, quand elle parle à Tasha de ce qu’elle fait avec les enfants, elle est un peu une référence morale. Je pense que c’est ce que nous avons fait. Mais il y a un débat sur la question de savoir si la série est moralisatrice ou tragique. Parce que ça peut être les deux, mais ça n’a pas à l’être. Nous en parlons beaucoup dans la salle d’écriture. Est-ce une histoire de moralité ? Est-ce une tragédie ? Et est-ce qu’on peut tirer un peu à gauche et à droite là-dessus.

Dès le début, vous avez été catégorique quant à l’histoire que vous vouliez raconter et au nombre de saisons que cela prendrait. Cela a-t-il changé?

Cette série était censé être au nombre de cinq saisons. Je l’ai étirée à six, mais c’est mieux parce que pour ce qui est de l’histoire de la famille à la base, c’est l’histoire que je voulais raconter. Et je pense que de cette façon vous gagnez en richesse et vous êtes revalorisés. Je veux dire que vous voyez cela tout le temps des séries qui trainent. C’est un peu enjolivé. Et c’est donc agréable de ne pas avoir à faire ça. Je suis reconnaissante.

Qu’est-ce qui a fait de Power une des séries préférées des fans ?

Nous étions là au bon moment. Nous étions là au début de cette renaissance des Afro-Américains, des Latinos et des gens de couleur en tête de la télévision. Lorsque nous avons diffusé la série pour la première fois, il y avait un commentaire comme quoi nous ne vendrions jamais à l’étranger. Eh bien, nous savons que ce n’est pas vrai car les gens avaient l’appétit de voir des gens de couleur dans des rôles principaux. Ça tombait pile au bon moment. Nous avons devancé Empire. Nous étions dans la première vague. Donc je pense que ça en fait partie. Nous étions au bon endroit au bon moment. Mais je pense aussi que nous avons beaucoup de succès à cause du suspense grandissant. Parce qu’on connaît des gens comme ça. Des histoires occidentales, vous savez ,dont vous voulez lire le chapitre suivant.

Qu’espérez-vous que les fans retiennent du dernier chapitre de cette histoire?

J’espère qu’ils ont aimé l’aventure. J’espère vraiment que c’était une belle aventure.

À quoi ressemblerait une extension de l’univers Power ?

Eh bien, je pense que la meilleure façon de le dire est :  Si vous avez regardé  Cheers et puis vous avez regardé Frasier  maisque à la place vous ayez eu plusieurs Frasier. Plusieurs histoires qui se détachent de ce groupe de base. Je pense que c’est comme ça qu’on voit les choses.

50 a dit que c’est un peu comme Marvel en quelque sorte.

Oui. Je pense que c’est un très bon modèle. Pour moi, j’aime penser à Cheers parce que j’aime la télévision et j’aime cette idée que les gens que vous aimez et vous-même, rentriez chez vous à la maison pour vivre chaque semaine une nouvelle aventure[dans la série].

Cette odyssée a commencé avec Ghost et il semble que ça va se terminer avec Ghost. Était-ce le plan dès le départ?

Ce que je dirais, c’est qu’il est numéro un sur la feuille de route, donc ce n’est vraiment pas surprenant qu’il soit un élément moteur dans la dernière saison. Je ne peux pas vous dire qu’il est en vit tout le temps. Mais je dirais simplement qu’il est une force motrice à coup sûr.           

Pensez-vous qu’une partie du succès de cette série réside dans le fait de montrer une version réelle de la vie à New York?

Je pense que New York est la cinquième tête d’affiche de la série et nous avons donc fait beaucoup pour nous assurer que ça ressemble au New York d’aujourd’hui. Bien qu’en raison de la façon dont la série est rythmée, il s’agit plus de New York 2014 que de New York 2019. Donc il y a des choses qu’on ne peut pas couvrir, vous voyez ? « Intégration », « diversité » ; ce sont des mots à la mode. Car ça ne parle pas de noir et blanc, mais de vert. Ils font de l’argent. Vous savez qu’à Hollywood, personne ne se soucie de la couleur. On se soucie de l’argent. Et les séries sont populaires parce que les gens se voient à l’écran. Ce n’est pas différent du Ed Sullivan Show et de The Supremes des années 60. Les gens aiment se voir à l’écran. Ce qui a légèrement changé, c’est que les publics blancs ou large public n’ont plus aussi peur de voir des gens de couleur à l’écran comme on en avait l’habitude de sorte que les séries ne sont plus aussi segmentées. Vous pouvez atteindre un public plus large en ayant des gens de couleur dans les rôles principaux. C’est différent. Mais c’est une question d’époque et de lieu aussi. C’est vraiment une question d’époque et de lieu.

Pourquoi Power a-t-il trouvé un écho auprès du public international comme il l’a fait?

En fait voilà le truc. Il y a quelques règles de base dans la narration occidentale. Des trucs de base à la Joseph Campbell et il y a du Shakespeare de base. Vous prenez toutes ces choses. J’ai repris du roi Lear et Richard III. J’ai emprunté du Moi, Claude. J’ai pris toutes ces œuvres classiques; certains personnages de la Bible, Jacob, j’ai aimé, Esau j’ai détesté. Tout est dans la série. Des choses de base sur le mariage, les affaires de trahison, l’adultère, le sexe, l’amour. Je n’ai rien créé de nouveau, je les ai juste trempé dans du chocolat et je les ai mis à l’écran, vous voyez ? Donc, de cette façon, ces histoires sont des histoires qui appartiennent à tout le monde. Ce sont des histoires qui ont un attrait mondial parce qu’elles concernent tout le monde. Il y a une version de Hamlet partout. Il y a tellement de façons différentes que cette série reflète le folklore ou les récits historiques de cultures multiples. Chaque culture a l’adultère, la tricherie, la trahison. Chaque culture a des frères qui ne s’entendent pas. Chaque culture a des pères et des fils, des mères et des fils. Donc il n’y a aucune raison pour que cette série ne touche pas toutes les parties du globe et ne séduise pas chaque personne sur la planète. Je pense que c’est pour ça.