Le développement de l’industrie télévisuelle s’est accéléré au Liban depuis quelques années. Cependant, par manque d’organisation au niveau de l’infrastructure, beaucoup d’émetteurs ont été positionnés dans des zones résidentielles. Tel est le cas de Beit Mery.

Un émetteur positionné au dessus d’un immeuble résidentiel à Beit Mery. – Photo Elie Wehbe

“Beit Mery est le village le plus touché par la pollution électromagnétique au Moyen-Orient”, déclare Antoine Maroun, président de la municipalité de Beit Mery. “Nous avons exigé à plusieurs reprises le déplacement de ces antennes vers un endroit inhabité. Mais en vain”, ajoute-t-il.

Visage inconnu

Les câbles électriques encombrent la vue. Le bourdonnement des émetteurs ne s’arrête jamais. Les antennes s’élèvent au-dessus des immeubles, à côté des écoles et près des églises. Les habitants sont pris au piège, ils sont encerclés dans une prison d’ondes électromagnétiques.

“Le bourdonnement des émetteurs ne s’arrête jamais”. – Photo Elie Wehbé
Beit Mery est réputé pour ses ruines romaines et byzantines ainsi que son Monastère maronite de Saint-Jean-Baptiste, qui a été construit en 1750. À 15 kilomètres de Beyrouth et à plus de 800 mètres d’altitude, le village offre une vue imprenable sur la capitale.

Il a longtemps été considéré comme une station balnéaire estivale pour ses habitants. «Beit Mery est proche de la ville et en même temps c’est un village très calme qui bénéficie d’un climat très clément en été», indique Paul, employé dans un hôtel du village. «C’est une destination de choix pour les touristes», poursuit le jeune homme.

Tout le monde n’est pas d’accord. Car ce village de 5.000 habitants a aussi malheureusement un visage bien moins glorieux. Les chaînes télévisées fondées dans les années 1980 et 1990 ont profité d’un conseil municipal paralysé à cause de la guerre pour installer à leur convenance leurs antennes dans ce village. Pour elles, c’est l’emplacement idéal pour les émetteurs censés diffuser leur signal sur Beyrouth.

«Il est très probable que la hausse des décès dû au cancer du cerveau soit liée à l’exposition à long terme aux ondes qu’émettent ces antennes», relate, sous couvert de l’anonymat, un oncologue réputé, qui a traité une victime du cancer résidant dans le village de Beit Mery.

Mais, «une majorité des études scientifiques considère que les risques d’exposition aux champs électromagnétiques sont nuls ou très faibles, notamment à l’échelle individuelle», explique Dr Badih Azar physicien à l’Université libanaise et spécialiste des ondes électromagnétiques. «Ce phénomène dépend essentiellement de la puissance, de la fréquence et de la durée d’exposition», ajoute-t-il.

«Beaucoup d’habitants souffrent de maux de têtes à cause de ces antennes», raconte Khalil, un gendarme de Beit Mery. «Un de mes proches a recouvert le toit de sa maison de tôle pour minimiser l’effet de ces ondes», poursuit-il.

Effets sanitaires
A Beit Mery, certains émetteurs sont installés très près des immeubles résidentiels. – Photo Elie Wehbé

Une méthode efficace selon Hicham Khater, chargé d’affaires dans une compagnie de génie mécanique: «la tôle agit comme barrière aux ondes électromagnétiques. La seule solution pour les arrêter consisterait donc à interposer une tôle de fer blanc ou d’acier», indique-t-il.

Les habitants du village souhaitent remplacer ces émetteurs par des arbres et redonner à Beit Mery son visage naturel. Ils réclament une loi interdisant l’installation de nouvelles antennes et imposant le déplacement des antennes actuelles loin des habitations. Mais ces demandes n’ont toujours pas été exaucées.

Cette catastrophe, comme beaucoup d’autres, se perd dans des conflits d’intérêts. La raison? Ces émetteurs appartiennent aux grandes chaînes de télévisions locales, contrôlées par divers partis. La santé et l’environnement sont encore une fois les victimes de la politique.

[box title=”Elie Wehbé”]Journaliste web à L’Orient le Jour et BelleBeirut.com – Diplômé en Sciences politiques de l’Université Américaine de Beyrouth (AUB) et en Journalisme de l’université libanaise et l’université Panthéon-Assas (Paris 2).
Il tient son propre blog centré sur l’actualité au Liban et sur les réseaux sociaux.
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